La mémoire en fragments : portrait d’une photographe @Aidan Khall

Française d’origine marocaine, Nadia Khallouki fait de la photographie un langage intime et politique. Passionnée par les tissus, les objets et les motifs, elle compose ses images comme des fragments de mémoire. En couleur ou en noir et blanc, ses clichés sont des « marque-pages de vie », autant de repères dans une histoire familiale où les photos manquent cruellement. « Très peu d’images témoignent de mes origines. Photographier, c’est relier deux pays, deux cultures, deux mondes. »

Son parcours l’a menée de la Casa Árabe de Madrid à la Sainte Kate Gallery de Chicago, en passant par Lyon. Partout, elle cherche à partager la richesse d’identités multiples, traversées par l’exil et l’héritage colonial. Car son travail dépasse l’intime : il questionne le regard dominant sur l’art et ses hiérarchies. « Décoloniser les arts, c’est affirmer que nos voix et nos imaginaires sont légitimes, sans exotisme ni traduction forcée. C’est réécrire l’histoire en y ajoutant nos couleurs, nos silences. »

Ses sources d’inspiration reflètent cette pluralité : la culture arabe et ses symboles, les gestes quotidiens de sa famille au Maroc, mais aussi les œuvres de Yto Barrada, Zineb Sedira, Hicham Gardaf ou encore Malick Sidibé et Aida Muluneh. Tous partagent une même quête : réinventer les représentations de la mémoire, de l’identité et du territoire.

Entre récit personnel et engagement collectif, son art se déploie comme un pont fragile mais essentiel : celui qui relie l’intime à l’universel, et fait de chaque image une mémoire vivante.