Entretien du Saule Pleureur par Lilli BERTON – FOUCHET

Depuis 2016, année où il relève le pari de réaliser une toile capable de transmettre une émotion, il peint comme on boxe : frontalement, sans filtre avec une urgence de dire.

Cesàrio Veyra, alias Le Saule Pleureur, n’a rien d’un peintre sage. Son pseudonyme, emprunté aux arbres qui bordaient son enfance parisienne, est aussitôt prolongé par un manifeste identitaire : « aka un enfant de Paris nourri au piment africain ». Depuis 2016, année où il relève un pari de réaliser une toile capable de transmettre une émotion, il peint comme on boxe : frontal, sans filtre, avec une urgence de dire.

Jeudi, 18 h. À Noailles, il nous accueille avec son franc-parler, un brin poète, un brin provocateur. « J’ai besoin de transmettre un électrochoc. Moi, je suis comme les routes du bled : indomptable et sinueuse. Mes tableaux, c’est pareil. Je veux que mon art exprime des vérités que personne n’ose dire. »

L’art comme manifeste

Ses toiles mêlent posca, acrylique, aquarelle, pastel… et quelques secrets de fabrication. Mais au-delà de la technique, c’est un combat qui s’expose : mettre en lumière la communauté noire, souvent invisibilisée ou stigmatisée.
« J’ai fait une toile qui s’appelle Niggers is art. Les nègres sont l’art. C’est un manifeste : on est la base de tout. L’Afrique, c’est le berceau de l’humanité. » Ce qu’il nomme « peuple premier », il l’incarne surtout à travers la musique, la danse, le style vestimentaire – des héritages fondateurs que l’Occident a longtemps pillés ou dénigrés.

Une catharsis

Ses tableaux sont aussi un miroir intime. « Toute ma vie, je me suis battu contre le racisme. Dans mes toiles, je peins autant les bons que les mauvais côtés de la communauté noire, mais aussi des fragments de ma vie, de mon enfance jusqu’à aujourd’hui. »
Il cite l’une de ses œuvres inspirées de Mami Wata, divinité aquatique d’Afrique noire. Affublée d’une perruque blonde, elle reçoit une flèche anesthésiante en plein cou : symbole d’une identité étouffée par les normes occidentales. « C’est un message aux femmes noires : ne renoncez pas à votre beauté naturelle. N’ayez pas honte de vos cheveux crépus ni de ceque vous êtes. »

« Anger is useful »

Son mantra, « Anger is useful », s’inscrit sur nombre de ses toiles. « Moi, je suis un Black Panther. Je pense que parfois la violence est nécessaire. On peut être haineux, mais intelligemment. J’ai choisi de dire des choses qui dérangent, mais qui sont vraies. L’art peut être un outil de décolonisation. »

Ses sources d’inspiration, il les puise dans ses cauchemars. « Je les mémorise, puis je peins en freestyle, pour m’approcher de cette vision. »
Un art instinctif, brut et politique, qui rêve déjà d’un retour aux origines : une grande exposition en Afrique, sur le continent où tout a commencé.