Depuis des années, les pouvoirs publics affichent une ambition : former à l’esprit critique, lutter contre la
désinformation, accompagner les jeunes et moins jeunes en prise avec les nouveaux usages numériques.
Mais dans notre région, en PACA, l’un des principaux dispositifs qui permettait de rendre ces objectifs
concrets – l’Appel à projets en Éducation aux Médias et à l’Information (EMI) porté par la Direction
Régionale des Affaires Culturelles – a soudainement disparu en 2025, sans un mot de l’institution. Sans doute
présume-t-on que le sud n’a pas besoin d’EMI : les préjugés feraient déjà très bien le travail.
La suppression de ce dispositif a pourtant des effets immédiats : arrêt de dizaines d’ateliers prévus dans des
structures sociales, éducatives et culturelles à travers tout le territoire, disparition de centaines d’heures
d’intervention auprès de bénéficiaires, et pour certains opérateurs, perte jusqu’à plus de 50 % des budgets
d’action en EMI, et interruption de programmes construits depuis des années. Ce recul touche
particulièrement les zones rurales, les quartiers prioritaires et les lieux de relégation ou d’enfermement, où
l’EMI joue un rôle unique, garantissant une présence sociale déterminante dans des espaces souvent éloignés
des grandes institutions culturelles.
Cette décision par omission, prise à bas bruit en fin d’année suite à des revirements politiques et gels
budgétaires successifs, n’est pas qu’un détail administratif : elle ôte un pilier structurant, fragilisant tout un
réseau d’acteurs de terrain – associations d’éducation populaire, radios et médias associatifs, journalistes,
éducateur·ices – qui mènent depuis parfois plus de vingt ans des actions régulières dans les collèges, lycées,
bibliothèques, maisons d’arrêt, EHPAD, lieux de soin, centres sociaux ou structures de quartier en lien avec
la population.
À cela s’ajoutent d’autres mesures qui, prises ensemble, sapent un écosystème déjà malmené par ailleurs :
baisse drastique du Pass Culture, balayé comme un simple effet de mode après avoir été présenté un temps
comme l’alpha et l’oméga d’une politique volontariste en matière d’éducation artistique et culturelle, menaces
répétées sur la pérennisation du Fonds de soutien aux radios associatives, morcellement et risque de
disparités régionales quant au Fonds de soutien aux médias de proximité, incertitudes sur les financements
pluriannuels.
Ces éléments finissent par dessiner un paysage inquiétant, qui dans le même temps voit grandir l’écart entre
des citoyen·nes de plus en plus défiants, pris entre un système médiatique toujours plus concentré et une
accélération de flux informationnels où s’engouffrent les discours populistes. Dans ce vide grandissant, nous
puisons pourtant la vigueur de poursuivre notre action dont la nécessité fait d’autant plus jour : en maintenant
des projets qui s’appuient sur une pluralité d’acteurs professionnels, investis dans la durée auprès des publics
pour renforcer la participation et la capacité d’agir.
Au-delà des objectifs décrétés sur un plan national – de « souveraineté informationnelle face aux ingérences
étrangères » ou encore de « lutte contre la radicalisation et le complotisme » – notre travail patient, inventif,

profondément ancré localement, construit chaque jour de la confiance : entre jeunes et médias, entre
citoyen·nes et institutions, entre territoires et information.
L’éducation aux médias et à l’information ne se résume ni à des injonctions ni à des campagnes de
communication. Elle se vit dans des ateliers où l’on apprend ensemble, où l’on crée des podcasts, des images,
où l’on visite un média local, où l’on débat, où l’on rit, où l’on fabrique du commun et des formes médiatiques
qui appartiennent et s’adressent à celles et ceux qui les produisent et les diffusent. Ces moments nourrissent
une appétence, une écoute, une capacité d’analyse, une attention à l’autre, un plaisir de comprendre et de
pratiquer l’expression collective, qui sont au cœur de notre démarche. C’est cela qui fait la différence : la
présence, la créativité, et la continuité d’interventions cohérentes, suivies, construites avec les publics.
Face à une situation d’abandon paradoxale au regard de l’importance de ce champ d’intervention, pourtant
essentiel à la vitalité démocratique, nous appelons les pouvoirs publics – État, Région et collectivités – à une
prise de position claire et à un engagement réel. Cela implique un financement pérenne de l’EMI, enfin aligné
sur les ambitions proclamées ; une politique coordonnée, permettant aux acteurs de travailler ensemble plutôt
que dans un enchevêtrement de dispositifs mal assortis ; et un soutien affirmé aux pratiques de terrain qui
créent du lien et donnent aux citoyen·nes les outils pour comprendre, pratiquer le monde de manière plus
inclusive, et en transformer les représentations.
En s’engageant dans cette voie, nous aurions ainsi le choix, depuis le sud, de représenter une exception –
cette fois pour le meilleur plutôt que le pire. Ou plus modestement, de nous mettre au diapason de la
dynamique à l’œuvre dans d’autres régions ; car sans cohérence publique, aucune avancée n’est durable pour
la démocratie.

Pour signer cette tribune et vous tenir informe : collectif.emi.paca@gmail.com