Il y a plus de 20 ans, la Politique de la Ville mettait en place des programmes de rénovation urbaine pour les quartiers populaires, sans concertation ou presque avec les habitants. Dans le quartier marseillais de La Savine en 1996, au contraire, des habitants et voisins d’origines multiples, ont pris en main la « rénovation sociale » de leur quartier. 

La Savine se trouve en haut d’une colline et s’étale sur 13 hectares tout en ayant compté près de 1 400 sociaux logements à sa construction en 1973 et plus de 3 000 habitants. Dans le cadre de la rénovation menée par l’Anru, le quartier a subi la destruction de plusieurs centaines de logements, réduisant le nombre d’habitants à moins de 1 000 en 2018.

La soirée animée par la journaliste Nina Hubinet ouvre le débat sur les conditions de vie actuelles dans ces quartiers et les effets durables de ces politiques publiques de rénovation. Quel en a été l’impact de la transformation de l’habitat sur la place des habitants et en matière de mixité sociale ? 

Le film La ville en marche projeté en présence du réalisateur Dominique Bidaubayle donne la parole aux habitants de La Savine en 1996 et témoigne de leur enthousiasme à participer à l’amélioration de leur cadre de vie. Comme pour Nedjma Sellami, arrivée à 9 ans dans le quartier, et qui a connu la vie dans les anciens blockhaus datant de la Seconde Guerre mondiale, puis dans la cité provisoire avant d’accéder finalement au logement social développé par la Logirem…

Issus des migrations post-coloniales, en provenance des Comores, du Laos ou de Tunisie, La Savine est une cité-monde au cœur des collines marseillaise. 

Soly Mbaé, membre du groupe B-Vice et Michel Péraldi, sociologue, reviennent sur l’enclavement de la cité qui compte rapidement plus de 5 000 personnes. Pour Soly, La Savine est un grand village qui souffre de l’absence de mobilité – avec une seule ligne de bus pour le desservir –, un niveau de commerce insuffisant, mais une entraide réelle entre acteurs associatifs. 

Michel Péraldi revient sur la dégradation du tissu associatif de proximité, l’institutionnalisation des dispositifs de concertation et le « rapt » des décisions qui ont largement échappé aux concernés pour mener à une rénovation qui désenclave le bâti mais déconstruit durablement le lien social. Une rétrospective de l’engagement des habitants, violemment ébranlée par l’assassinat d’Ibrahim Ali le 21 février 1995, un enfant de La Savine, ainsi que sous l’effet des politiques sociales qui destituent les acteurs de leur rôle plutôt que de le renforcer. 

Les échanges évoquent les souvenirs d’une dynamique portée entre voisins, entre communautés migrantes mais avant tout de destin !Le partenariat avec le bailleur Logirem constitue un axe fort de prise en compte des doléances et favorable au développement d’une vie associative de proximité dont on peut regretter l’épuisement, aujourd’hui.

Dans le documentaire, les portraits des figures emblématiques se succèdent, Nedjma Sellami, présidente de l’ASVT, Association de Locataires Savine Vallon des Tuves et de l’association Ensemble, l’enseignante Suzanne Ragonne, Mohamed Said Soihili dit Bruce, Loutfi Blaiej, du club sportif savinois, Simon Phrav, Ibrahim Mze, monsieur Boivin y compris celle de Frédéric Vidal de l’unité de prévention de la Police qui témoigne de l’enjeu de cette communauté de « veille » en faveur de l’entraide dans le quartier.

À l’heure des JO 2024, où l’on s’interroge sur l’enjeu du sport, la culture et l’engagement comme leviers d’inclusion, le gouvernement annonce via décret l’annulation de nombreux crédits dont ceux de la politique de la ville à hauteur de 49 millions. Il semble grand temps de doter la vie associative d’un « grand plan pour Marseille ».