Le festival Kouss·Kouss revient du 22 août au 7 septembre avec le pois chiche en vedette, et l’ambition de célébrer la cuisine comme lien social, esthétique sensorielle, et pratique créative.

Marseille n’a pas inventé le couscous, mais la ville y a contribué de manière décisive. Dès la période coloniale, elle en devient un maillon central : exportation de blé algérien, implantation des premières minoteries comme la Semoulerie de Bellevue (1922), reprise par Panzani dans les années 1990, ou encore les Moulins Storione, fondés par une famille italienne dès 1924. Cette industrie locale accompagne une consommation populaire, portée par les vagues migratoires nord-africaines et la transmission familiale d’un plat qui, pour beaucoup, reste celui de l’enfance : « le meilleur couscous, c’est celui de ma mère ».

Depuis 2018, le festival Kouss·Kouss, porté par I.C.I-Les grandes Tables, Marseille Centre, l’Office du tourisme et la Ville, célèbre cette pluralité culinaire. Plus de 230 établissements y participent en 2025, des grandes tables aux cantines populaires. C’est l’un des temps forts de l’Été marseillais, avec plus de 100 000 couscous végétariens ou marins distribués gratuitement dans plusieurs parcs. Le soutien du groupe Carret Munos, producteur local de graines bio à Peynier, illustre une logique de circuit court et de collaboration territoriale.

Ce n’est pas un simple événement gourmand, mais un espace critique.

La chanson Kouss-Kouss-Klan de Rachid Taha et Rodolphe Burger, programmée sur le toit-terrasse de la Friche, en donne la tonalité : satire politique et manifeste contre les replis identitaires. En détournant le nom du Ku Klux Klan, le morceau rend hommage à une culture diasporique fière, opposée aux hiérarchies postcoloniales et à la xénophobie rampante.

La programmation 2025, intitulés Chiche ! est centrée sur le pois chiche. Ce légume ancré dans tout le pourtour méditerranéen, devient ici un symbole : roi en Grèce, populaire en Algérie, cuisiné en flan (grantita /Kalantita), maître absolu de la Street Food.

La graine s’engraine

Le couscous est aussi pris dans les tensions classiques de toute patrimonialisation. En 2023, l’UNESCO inscrit le couscous au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, au nom de plusieurs pays. Mais ce processus, en naturalisant des cuisines collectives dans des cadres nationaux ravive les rivalités.

La recette marseillaise, c’est l’hospitalité autour du plat et de recettes plurielles

À rebours de cette logique, Kouss·Kouss défend une approche sans direction artistique en surplomb. Ici, la graine est plurielle : blé, mil, maïs, orge, tapioca. La cuisine y est vécue comme une esthétique sensorielle et une pratique de création, à l’instar de la peinture ou de la musique. Une vingtaine d’ateliers à travers la ville invitent à expérimenter, goûter, dialoguer.

Du Plan d’Aou au Relais 50, du Fémina aux tables éphémères, ce sont tous les quartiers et toutes les classes sociales qui y trouvent place. Kouss·Kouss n’est pas une vitrine, c’est un terrain d’invention partagée, où la culture culinaire devient vectrice de lien, de mémoire, et de futur. Loin de l’instrumentalisation à laquelle d’autres ont tenté de l’assigner en parlant d’association couscous !

A paraître le 22 août 2025,  Le couscous le meilleur c’est celui de ma mère aux Edition first, Marie-Josée Ordener, cheffe cuisinière et Emmanuel Perrodin, chef autodidacte et auteur de livres sur la gastronomie. https://kousskouss.com/