Consolidant leur rôle essentiel dans la promotion des artistes contemporains d’Afrique et de Méditerranée, les Rencontres à l’échelle célèbrent leur 20ᵉ édition du 2 au 14 juin 2025 à Marseille. Organisé par les Bancs Publics, le festival investit plusieurs lieux emblématiques de la ville : la Friche la Belle de Mai, La Criée, le Théâtre Joliette et Le Zef.
2025, une édition anniversaire des Rencontres à l’Echelle qui éclaire les identités multiples et partagées
Historiquement, les Échelles du Levant, comptoirs d’échanges commerciaux et culturels, incarnaient les interactions complexes entre les cultures européenne et orientale. La référence est pertinente pour un festival qui célèbre, à partir de Marseille et de ses diasporas, le Tout-Monde et ses porosités culturelles. Ici, les artistes du Sud et des diasporas arabes et africaines sont valorisés. L’espace du festival est un « safe space », où les identités et citoyennetés peuvent coexister sans oppositions ni injonctions, s’affranchissant des frontières lignes si pesantes.
Julie Kretzschmar, fondatrice des Rencontres et figure emblématique de la scène culturelle marseillaise, est depuis octobre 2024 la commissaire de la Saison Méditerranéenne (mai-octobre 2026). Son travail, nourri par les Rencontres à l’échelle, tisse création artistique et réflexion sociétale, en lien avec les mondes arabes et africains.
La programmation 2025 revisite des artistes historiquement accompagnés par le Festival et témoigne d’un espace prescripteur des scènes arabes contemporaines
La programmation 2025 revisite des artistes historiquement soutenus par le festival et affirme son rôle de prescripteur des scènes arabes contemporaines. Gurshad Shaheman réinterroge : « Comment peut-on être persan ? », avec son « Pourama Pourama », mêlant théâtre et récit autobiographique, qui explore exil et identité. Il revient aussi sur l’ exploration intime des liens familiaux et des souvenirs partagés, avec « Sur tes traces », en dialogue avec Dany Boudreault.
Ahmed El Attar, metteur en scène et dramaturge égyptien revient avec « On the importance of being an arab », nous invite à humaniser l’archétype, comment être arabe de nos jours, dans un contexte où les vies arabes semblent si peu compter, à l’échelle internationale comme de celles des Etat-Nation où le cri des peuples des révolutions arabes est étouffé.
Ali Chahrour, chorégraphe libanais, avec « When I saw the sea », dénonce le système de kafala, dispositif de parrainage dévoyé en outil d’exploitation des travailleuses migrantes. Son spectacle expose violences, confiscation des papiers, et conditions d’esclavage moderne.
Love and Revenge rend hommage à Oum Kalthoum. Agmal Layali mixe archives audiovisuelles et musique électronique pour raviver la magie du Tarab, l’extase de l’interprétation.
Cette édition met à l’honneur des artistes interrogeant identité, mémoire et territoire, avec « Déplace » de Lenaïg Le Touze et Julie Kretzschmar propose une création sur les mots, entre intime et politique, produite à Mayotte. Les lectures de Sarah Haidar, Souad Labbize et Nasri Sayegh offrent un regard sur les expériences méditerranéennes contemporaines. « Smuggled Tea Time » de Fatih Gençkal et Mustafa Zeren explore la danse depuis les marges. « Who killed Youssef Beidas ? » de Chrystèle Khodr déconstruit les liens entre capitalisme et amours manquées.
La clôture sera marquée par le concert « ON AIR 2025 », produite en lien avec l’AMI, avec Shereen Suleiman, Makimakkuk et Isam Elias. Cette soirée met à l’honneur la scène musicale alternative palestinienne et libanaise, fusionnant traditions et électronique, subversion poétique et engagement.
La programmation 2025 s’illustre largement par l’enjeu de penser en contexte, dans l’ombre du génocide à Gaza et de l’islamophobie ambiante en France.
Dans un contexte international tendu, marqué par le génocide en cours à Gaza, les violences contre les civils palestiniens qualifiées de crimes contre l’humanité par de nombreuses ONG, organiser un festival interculturel en France prend une dimension éthique forte.
Il ne s’agit plus seulement de faire dialoguer les cultures, mais de les inscrire dans un réel traversé par la violence et l’injustice, résidus des culpabilités européennes et coloniales.
En France, la montée de l’islamophobie, récemment dénoncée par des institutions comme la Commission nationale consultative des droits de l’homme se conjugue à un profond mal-être dans les diasporas arabes et musulmanes.
Montées des tensions liés aux crimes contre l’humanité et dérives génocidaires à Gaza, crime islamophobe contre Aboubakar Cissé, tensions diplomatiques France – Algérie, ces dernières se sentent de plus en plus criminalisées. Dans ce climat, Les Rencontres à l’Echelle ne peuvent se contenter d’un vernis esthétique ou d’un folklore des altérités même si, comme l’a écrit Edward Saïd « L’art ne guérit pas, il donne à penser ».

Ce festival constitue un espace de résistance, un lieu où les artistes arabes et du Sud global peuvent exprimer douleur, exil, guerre, mais aussi joie et beauté, plus simplement leur humanité comme acte politique. Face à la réduction des mondes arabes et africains à leurs blessures ou leurs aliénations, l’enjeu est de reconstruire un imaginaire commun, porteur de fraternité et de lucidité.
Mahmoud Darwich dans son poème éponyme du recueil La terre nous est étroite, « Nous avons sur cette terre ce qui rend la vie digne d’être vécue. »
Infos pratiques : https://www.lesrencontresalechelle.com/
