C’est dans le cadre de La Master classe « Traverser » des Nouvelles rencontres d’Averroès que l’on pouvait converser avec Monia Ben Jemia, juriste et féministe,  Présidente de l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates et du réseau d’ONG EuroMed Droits, pour les droits humains. Avec nous, elle revient sur la situation en Tunisie et la récente suspension (un mois) de l’ATFD qui résonne comme un avertissement, après les arrestations et emprisonnements abusifs de nombreuses militantes en faveur des Droits des femmes ou des migrants. La liste est longue… Près de 40 militantes sont derrière les barreaux avec des peines allant de 13 à 66 ans de prison, reconnus coupables pour « complot contre la sûreté de l’État ».  Parmi les figures arrêtées, détenues ou lourdement harcelées pour leurs activités politiques ou féministes, on peut citer, pour la période récente (post‑2021) :

Chaïma Issa, militante du Front de salut national (opposition) et figure féministe, arrêtée en février 2023 dans le dossier dit de “complot contre la sûreté de l’État” et détenue plusieurs mois comme prisonnière politique sous le régime de Kaïs Saïed.​

Rania Al‑Amdouni, militante féministe et LGBTQI+, actrice et défenseure des droits humains, arrêtée le 27 février 2021 après s’être rendue au poste pour porter plainte contre des menaces en ligne émanant de pages liées à des syndicats de police.​

Yasmine Mbarki, défenseure des droits des femmes, arrêtée arbitrairement en février 2021 alors qu’elle rentrait d’une manifestation, détenue plus de 24 heures et victime de violences policières documentées par Front Line Defenders.​

Des militantes et membres de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) ont été visées par la répression, notamment par la suspension administrative de l’ATFD en octobre 2025, et l’acharnement judiciaire et médiatique contre son ancienne présidente Bochra Belhaj Hmida (exil forcé, poursuites, lourde peine encourue).​

À ces cas s’ajoutent des défenseur·es des droits humains arrêté·es dans des dossiers “migrants”, “complot” ou “atteinte aux forces de sécurité”, parmi lesquels se trouvent aussi des femmes, par exemple Sherifa Riahi, ancienne directrice de Terre d’Asile Tunisie, poursuivie pour “aide à la migration irrégulière” et détenue en préventive en 2024 alors qu’elle était en congé maternité.​

Comme le rappelle Monia Ben Jemia : « Kaïs Saïed a fait sa constitution tout seul, dans un déni total des citoyen.nes et des acteurs de la société civile. Renforcé par le voisin algérien qui le conforte dans son virage hétéro nationaliste et suprémaciste, il agit en toute impunité, au mépris des droits les plus fondamentaux ». 

Mon pays vit un tournant historique et le président s’applique à détruire tous les fondements de l’État de droit.

Dans ce contexte, les féministes tunisiennes et Euro-méditerranéennes se battent pour maintenir les acquis, davantage que pour acquérir de nouveaux droits. 

Autrice de deux livres publiés par les éditions Cérès : Les siestes du grand père, récit d’inceste (2021) et  Dominer et humilier, les violences sexistes et sexuelles en Tunisie (2024),