La table-ronde Les mots associés aux personnes racisées : l’exemple de la presse marseillaise., animée par le journaliste Iliès Hagoug voulait associer les directeurs de titres locaux, La Marseillaise, Marsactu, La Provence, ainsi que la sociologue Khadija Sahraoui-Chapuis afin de constater la part des journalistes concerné.e.s dans les rédactions, et plus largement et plus généralement s’interroger sur le traitement médiatique des quartiers populaires, trafics et autres assignations minoritaires dont sont la cible, les personnes racisé.e.s. L’absence inopinée de La Provence a réduit le champ, et empêché une mise en perspective historique de la presse locale. On sait le  rôle décisif de certains titres (Le Méridional) ou journaliste (Gabriel Domenech) sur l’explosion des crimes racistes dans les années 70 à Marseille. 

Représentation des racisés

Pour Benoit Gilles, journaliste à Marsactu, l’équipe actuelle est composée de personnes non racisées, c’est un fait, par « manque de candidatures de personnes racisées » aux offres d’emploi proposées par le média, argument qui ne prend pas en compte les biais de recrutement comme dans la plupart des titres. Concernant l’occurrence des termes et notamment celui de musulmans, sa présence dans le journal en ligne reste liée au traitement de l’actualité, en particulier autour de l’affaire de la mosquée des Bleuets et de l’imam Smaïn Bendjilali. 

Léo Purguette revient sur l’histoire de La Marseillaise, journal créée par les résistants après-guerre dont de nombreux militants communistes et FTP-MOI et qui constitue un socle essentiel. Avoir eu des contributeurs tels que Pape Diouf ou Jean-Claude Izzo, participe d’une représentativité importante. Ce constat ne suffit pas à ignorer combien « aujourd’hui, c’est le FN qui donne le La ! ». Il s’agit de s’interroger sur l’accès au récit dans les rédactions mais, au-delà, de comprendre la situation économique des médias et en particulier la presse locale. La Marseillaise a failli disparaitre et la concentration croissante des médias entre les mains de quelques grandes entreprises ou milliardaires pose des défis pour l’indépendance et le pluralisme de l’information. Les titres indépendants et les journalistes sont précarisés, et le monopole croissant interroge désormais le lien avec les partis politiques et les annonceurs. 

Pour le président de la Marseillaise, la recherche de contributions nouvelles, comme avec Zébuline, favorise la prise de parole d’une approche plurielle, valorisant les expressions minoritaires. 

Approfondir sans assigner

Pour la sociologue Khadija Sahraoui-Chapuis, le sujet de l’assignation est suffisamment grave pour ne pas être traité de façon sensationnaliste. Constat qui l’amène à rester à distance des médias, en tant que chercheuse, puisque les règles de déontologie sont, dans le journalisme, essentiellement déclaratives. Ainsi  la mention de l’origine réelle ou supposée des délinquants ou criminels, est systématique pour les uns, absente pour les autres, pour des crimes ou délits qualifiables de façon identique (trafic, viol…). 

Selon la sociologue, le vocabulaire mobilisé pa les journalistes pour traiter des « faits divers » devrait éviter de reproduire les dénominations policières, telles que Chouf, barbecuecaïds, DZ mafia… et choisir plutôt les termes plus contrôlés du judiciaire. Il devrait aussi intégrer une analyse documentée sur l’impact de l’école dans les trajectoires personnelles et les facteurs qui favorisent l’économie de la débrouille et des mécanismes qui mènent de nombreux jeunes à devenir captifs des réseaux. 

Les mots de clôture des coprésidents d’Ajar, Christelle Murhula et Arno Pedram invitent à poursuivre la mobilisation en soutenant notamment les journalistes racisé.e.s particulièrement cyberharcelés sur les réseaux sociaux.