L’exposition Joie Collective – Apprendre à flamboyer !, présentée au Palais de Tokyo du 21 février au 11 mai 2025, célèbre les formes festives et politiques de rassemblement, en mettant en lumière les pratiques culturelles afrodescendantes. Une ambition esthétique et politique dans le contexte actuel d’épuisement des utopies et de transformation de la société civile en champ de bataille.
On y redécouvre les traditions carnavalesques, de rassemblements festifs et militants. Sous la direction de la commissaire Amandine Nana, cette exposition collective explore les dynamiques de groupe propices à l’expérience et à l’apprentissage de la joie dans nos quotidiens.
Carnaval et mémoire diasporique : une esthétique de la résistance
Parmi les œuvres marquantes, la performance photographique Art Is… (1983) de Lorraine O’Grady est mise en avant. Lors de l’African-American Day Parade à Harlem, O’Grady et ses collaboratrices ont encadré les visages des spectateurs avec des cadres dorés, affirmant que l’art réside dans le peuple lui-même. Cette intervention souligne la puissance du carnaval comme espace de réappropriation culturelle et de célébration de l’identité noire. L’installation textile de l’artiste sud-africaine Attandi Trawalley, arborant la phrase And with joy we move, rend hommage aux poètes Langston Hughes et Maya Angelou, évoquant les droits civiques et l’émulation du quartier de Harlem.
Diplômé des Beaux-Arts de Paris et du Hunter College of Art de New York, Raphaël Barontini est artiste plasticien d’origine guadeloupéenne et s’inspire des traditions carnavalesques pour interroger les récits historiques. À travers Quelque part dans la nuit, le peuple danse , Raphaël Barontini offre une immersion dans les mémoires afrodescendantes, en célébrant la joie collective comme acte de résistance.
Son œuvre, ancrée dans les pratiques carnavalesques, propose une relecture des récits historiques, affirmant ainsi la puissance de l’art comme vecteur de transformation sociale. Son exposition emprunte son titre Quelque part dans la nuit, le peuple danse à une réplique de La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire, soulignant ainsi l’importance du carnaval comme espace de résistance et de réinvention identitaire. Reconnu pour ses installations monumentales qui interrogent l’histoire coloniale française, la figure de la Queen Ooni Luwoo, emprunte à la symbolique de la statue équestre. Elle fut la 21ᵉ souveraine d’Ilé-Ifè, la ville considérée comme le berceau spirituel et historique du peuple yoruba. Elle demeure à ce jour la seule femme à avoir accédé au trône sacré des Oonis, une fonction traditionnellement réservée aux hommes. La figure de la reine Lúwo Gbàgìdá incarne une exception historique dans la tradition yoruba. Son règne, bien que sujet à débat, témoigne de la complexité des dynamiques de genre et de pouvoir dans les sociétés africaines précoloniales. Cette œuvre vivante incarne la mémoire collective et les luttes de la diaspora, en réactivant les formes de sociabilité issues des cultures afro-caribéennes.
Une iconographie plurielle : entre fête, politique et spiritualité
En complément de l’exposition, « Joie Collective – Une iconographie » présente une archive visuelle de 350 images, explorant des thèmes tels que les danses rituelles, les manifestations politiques et les costumes de carnaval. Cette collection tisse des liens entre les différentes expositions de la saison, offrant une immersion dans les multiples facettes de la joie collective.
« Joie Collective – Apprendre à flamboyer ! » offre une exploration riche des pratiques festives afrodescendantes, mettant en lumière leur rôle dans la construction de communautés résilientes et créatives. En célébrant la joie comme acte politique et culturel, l’exposition invite à reconsidérer les espaces de rassemblement comme lieux de résistance et de transformation sociale.
