Dalila, installée en France depuis 18 ans, évoque son enfance dans les collines de Thala, ses premières rencontres dans le quartier de Saint-André, son savoir-vivre à travers la pratique du jardin des Tuileries, et ses connaissances d’une pratique ancestrale en tant qu’herboriste de tradition orale.
Cet entretien, dirigé et traduit par Zine El Abidine Larhfiri du dialecte tunisien et marocain, contient une introduction en langue française qui évoque les herbes de la Saint-Jean.
En voici quelques extraits :
Suite à un bref échange entre Dalila et Danielle Demonet, qui l’informe du décès d’une octogénaire du quartier fort attachée au jardin, Dalila prend le temps d’évoquer sa relation et son affection pour cette femme.
Z- Mme « Phi » est la première femme du quartier qui est venue vers vous?
D- Oui, c’était la voisine de ma belle-mère.
Z- Elle n’était jamais descendue au jardin?
D- Malheureusement non, son handicap ne le lui permettait pas…Mais elle était souvent au bord de sa fenêtre qui donne sur le jardin. Elle aimait beaucoup les fleurs et depuis que nous avons le jardin, nous allions lui offrir des bouquets de temps en temps.
Z- Lors de notre visite au Jardin des Migrations au Mucem, vous avez manifesté un grand intérêt pour les grenadiers.
D- La peau du fruit permet d’avoir une teinture naturelle, souvent utilisé pour la coloration de la laine. C’est aussi un bon remède contre les douleurs d’estomac.
Z- Vous en avez planté ici?
D- Oui, et les voisines sont contentes de l’avoir.
Z- Vous êtes une des actrices des repas de l’Association Espoir et Culture, mais votre pratique du jardin va au-delà de la réalité culinaire, dans le quartier on reconnaît votre connaissance des plantes. Pourriez-vous me parler d’une graine spécifique?
D- Oui, celle qu’on appelle la graine de nigelle, connue aussi sous le nom de « graine de la baraka ». Mystérieuse et d’un pouvoir médicinal merveilleux, les traditionalistes se sont employés, chacun selon ses connaissances, à essayer de prouver qu’elle soignait tous les maux.
Z- Et vous, qu’est-ce que vous en pensez?
D- Ces graines sont vraiment efficaces, chers mais efficaces! Elles ont un goût amère, souvent il faut les mélanger avec du miel.
Z- Vous avez planté plusieurs herbes et plantes, comment vous procurez-vous celles qui ne poussent pas ici?
D- Souvent au pays, d’autres fois dans d’autres régions du Maghreb grâce à des amies, c’est le cas pour la graine de nigelle[1. Étymologie: les nigelles doivent à leurs grains noirs leur nom générique dérivé du mot latin Niger, désignant cette couleur. L’épithète damascena s’applique sans doute à l’aspect de la fleur, et de ses bractées, évoquant l’art du damasquinage »traditionnellement pratiqué à Damas; Aire Géographique, Méditerranée : Nigella Damascena; Orient : Nigella Sativa].
Z- Êtes-vous déjà allé voir des herboristes à Marseille?
D- Oui, par contre je me suis rendu compte qu’ils prennent souvent les gens pour des amateurs en leur vendant des produits d’une qualité supérieur à ceux qu’ils sont en réalité.
Z- Avez-vous entendu parler du Père Blaize?
D- Oui énormément, je sais que cette une herboristerie sérieuse, qui existe depuis des générations.
Z- Pour revenir au jardin passez-vous beaucoup de temps ici?
D- Oui, j’ai toujours passé énormément de temps dans notre jardin, malgré le travail, les courses et la maison…Je trouve toujours un moment pour venir. Même ma mère quand elle vient nous rendre visite, elle préfère les chaises du jardin à celles de la maison!