Danielle Demonet, réunionnaise arrivée à Marseille à l’âge de 15 ans, est aujourd’hui animatrice de jardins partagés et pratique cet « art » au sein de l’association AMIEU, Atelier Marseillais d’Initiatives en Ecologie Urbaine, depuis 10 ans aussi, au jardin potager de La Bricarde.
Voici quelques extraits de l’entretien avec Zine El Abidine Larhfiri, le 17 juillet 2015.
Z-Ton rapport avec les jardins remonte à quand ?
D- Je suis allée habiter en Auvergne quand j’avais 25 ans, pendant 7 ans, c’est la que la terre m’a appelé. Le fait d’être dans la nature m’a permis de découvrir ce qui étais en moi.
Z-Tu es née à Marseille ?
D- Non je suis réunionnaise, d’une famille d’agriculteurs, je suis venue à Marseille quand j’avais 15 ans, pour moi ça a été la coupure.
Z- Ce parcours migratoire remonte alors à tes 15 ans. Et le retour d’Auvergne à Marseille ?
D- Le soleil me manquait… et la mer. En Auvergne il y a 340 jours de gris…
Z- Suite à cet enracinement en Auvergne, tu as essayé de rapporter ce que tu as trouvé en toi à Marseille ?
D- Je suis rentré à Marseille pour des raisons familiales, j’ai eu deux enfants… mais aucun rapport avec la terre au début. C’était dans l’entreprise que je travaillais que pendant mes pauses je m’occupais d’un petit carré… un responsable de Pôle Emploi à été touché par ce que je faisais et il a demandé à mon employeur si je voudrais être embaucher en tant que jardinière à la Bricarde.
Z-Donc cette pratique pourrais être qualifié de thérapeutique ?
D- Absolument
Z- Et donc le passage de la passion au métier comment s’est-il fait ?
D- Le jardin de la Bricarde est le premier jardin partagé au pied d’immeubles de Marseille, qui a eu le premier prix Marseille en fleurs, un autre prix départementale, donc ce jardin est devenu une référence depuis 10 ans, « ma carte visite ». Maintenant j’ai deux employeurs.
Z- En ce qui concerne le jardin des Tuileries, comment est-ce que tu es arrivée ici ?
D- L’association Espoir et Culture partais de la création d’un jardin nourricier, un lieu de rencontre, pour que les femmes sortent de chez elles et créent du lien social.
Z- Dans plusieurs récits, la question du goût revient, un besoin d’ingrédients pour un usage domestique, et même au delà de ça, un besoin de plantes aromatiques et thérapeutiques, des pratiques différentes qui se croisent dans cet espace. Que penses-tu de ces différentes pratiques ?
D- J’ai été agréablement surprise par l’engagement de femmes comme Anissa et Dalila. Le jardin m’a permis de connaître des personnes que je n’aurai pas croisé autrement. J’ai beaucoup appris d’elles à travers nos échanges.
La terre fait de bonnes personnes, c’est ce qui m’a permis que le courant passe aussi vite entre nous.
Z- On dit que nous sommes fait de terre et d’eau.
D- C’est bien la base, oui.
Z- L’échange intergénérationnel, transmission de savoirs et de connaissances, l’éducation se fait certainement à la maison et à l’école, mais aussi dans des espaces comme celui-ci. Pour ses personnes ancré aujourd’hui dans ce quartier, qui arrivent avec un patrimoine culturel d’ailleurs mais qui en quelque sorte, aujourd’hui est reproduit ici et enrichi la France.
D- Au début, lors de la création du jardin, les « gamins » ont mis un peu de temps pour accepter et respecter ce jardin, avant c’était leur espace, donc il le défendais à leur manière. Aujourd’hui nous sommes à un stade ou nous pouvons même ne pas fermer la porte.
Z- Et par rapport au quartier en général?
D- La nature force le respect, elle canalise les personnes, elle force aussi l’admiration. On y est arrivé, ici et dans les autres jardins.
Z- En faisant abstraction des tuiles qui séparent les parcelles tout en respectant le patrimoine local, ici on est ailleurs. On oublie les murs des quartiers, la ville… nous pouvons être partout dans un jardinière. Est-ce que les habitants du noyau villageois et ceux de la cité d’habitat social se retrouvent au jardin?
D- Oui, un couple qui à une maisonnette dans le coin a son carré ici aussi, et ils ont créé du lien avec les personnes.
Z- Merci Danielle, j’espère que tous tes projets fleuriront comme ici.
D- Là, j’ai attaqué un nouveau jardin au Merlan, j’en suis à mon septième jardin ici à Marseille, je ne rencontre que de bonnes personnes qui deviennent des amis, en croyant dans les échanges humains avant toute chose.