Représentations des turques en France

 

A travers l’histoire, différents pays et peuples qui étaient sous la règne de l’Empire ottoman ont été appelés “ les Turcs”. C’est pourquoi quand on parle des turques, on se trouve devant un titre énorme qui représente différents peuples à la fois selon les périodes d’histoire. De ce fait, les héritages culturels d’immigration et les présences turques à Marseille sont aussi des héritages d’une histoire commune et collective entre plusieurs acteurs méditerranéens.

Crédit : Le port de Marseille – Joseph Vernet (1754)

 

A travers l’histoire, différents pays et peuples qui étaient sous la règne de l’Empire ottoman ont été appelés “ les Turcs”. C’est pourquoi quand on parle des turques, on va se trouver devant un titre énorme qui représente différents peuples à la fois selon les périodes d’histoire. De ce fait, les héritages culturels d’immigration et les présences turques à Marseille sont aussi des héritages d’une histoire commune et collective entre plusieurs acteurs méditerranéens.

Dans la langue et les productions culturelles françaises, il existe plusieurs représentations de “turque”. Alors que certains d’entre eux remontent au XVe siècle et sont associés à des craintes concernant l’armée ottoman telles que “Bachi-bouzouk”, “tête de Turc”, “traiter quelqu’un de turc à maure”, “fort comme un Turc”, “fumer comme un turc”; des expressions comme « à la turc » sont en fait la première forme d’altérité à quel point cette nation était différente que les français.

Les premiers Turcs se sont installés en France aux XVIe et XVIIe siècles en tant que rameurs et commerçants de l’Empire ottoman. Ainsi, Marseille fut l’une des premières villes à accueillir les Turcs ottomans. Pourtant, de nos jours, l’immigration turque est une migration méconnue et encore moins à Marseille. Comme beaucoup d’autres communautés, l’immigration turque contemporaine a commencé avec le recrutement de travailleurs et elle constitue aujourd’hui l’une des diasporas les plus importantes de France.

La présence des immigrés turques en Europe occidentale date dès le milieu des années 50; d’abord étendue à l’Allemagne, puis au reste de l’Europe. Les investissements et l’expansion de la production comme stratégie économique d’Europe ont joué un rôle important dans cette première vague de migration de la Turquie; comme plusieurs d’autres pays de la périphérie européen. En conséquence, un grand nombre de travailleurs – notamment des hommes Turques ont migré vers les zones industrielles en expansion rapide d’Europe occidentale afin de munir la main-d’œuvre. Avec l’accord de main-d’œuvre signé le 8 avril 1965, la France a commencé à recevoir des travailleurs issus de milieux ruraux de la Turquie.

Les accords prévoyaient que cette migration serait temporaire, au moins tant que l’Europe aurait suffisamment de main-d’œuvre pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre. Les travailleurs n’étaient pas autorisés à amener leur famille avec eux. À tel point que cette réalité de la politique d’immigration se reflète également dans les processus de nomination des immigrants. Notamment, en Allemagne, le terme « gastarbeiter (travailleur invité) » était utilisé pour décrire la migration de travail jusqu’à la fin des années 70. De même, en Turquie, le mot « gurbetçi (celui qui vit loin de sa terre natale)» est utilisé pour désigner surtout les travailleurs qui migrent vers l’Europe. Cela a conduit les pays d’accueil à penser qu’un processus d’intégration pour ce groupe n’était pas nécessaire. On retrouve également cette notion de temporalité dans les pratiques sociales et économiques des travailleurs migrants de l’époque. Beaucoup de ces travailleurs ont économisé de l’argent et envoyé à leurs familles ou investi dans l’immobilier comme l’achat d’une maison, d’un terrain, d’un appartement en Turquie. A partir des années 80, l’Europe a autorisé les regroupements familiaux pour les travailleurs qui ont permis l’immigration précoce des femmes en provenance de Turquie. On peut voir cette décision comme l’acceptation du fait que les travailleurs ne sont pas des immigrés temporaires, mais permanents.

L’immigration turque est hétérogène, comme la population turque en Turquie. Elle se compose de plusieurs peuples et religions tels que les Turcs, les Kurds, les Arméniens, les Grecs, les Lazes, les Assyriens, les Sunnites, les Alévis, les Orthodoxes et Juifs. La migration de ces groupes a lieu suite à divers événements historiques et du climat politique actuel dans le pays. Les génocides qui ont eu lieu dans les dernières périodes de l’Empire Ottoman ont forcé les peuples minoritaires à quitter leurs terres de cette période (1). Même si les droits des minorités restant sur le territoire de la République turque étaient protégés par le traité de Lausanne, il a créé une zone d’insécurité pour les minorités et les partisans du parti socialiste turc, où la droite et le nationalisme ont progressé. En raison des coups d’État vécus à trois dates différentes en 1960, 1971 et 1980, puis du recrutement de travailleurs en Europe, de nombreuses minorités de Turquie ont immigré en Europe.

Répartition des immigrés turcs selon sexe, Bouches-du-Rhône  Source: INSEE – 2018

 

Selon le recensement de l’INSEE en 2019 (2) et 2020 (3), 313 milliers de personnes sont originaires de la Turquie et 246 milliers des immigrés sont nés en Turquie, soit 559 milliers de personnes en France.

Selon la même recherche, 79.2% des personnes originaires de Turquie ont moins de 30 ans. De ce fait, aujourd’hui, la population turque en France est jeune et dynamique. Certaines sources expliquent que la population turque en France est à 600 milles et que la différence entre les sources officielles représente l’immigration clandestine.

En 2018 (4), la région PACA accueille 11 842 immigrés turques ( Turquie comme pays de naissance), dont 5 397 femmes immigrées. Bouches-du-Rhône contient 7059 immigrés nés en Turquie dont 5 142 d’entre eux de la commune de  Marseille. Néanmoins, ces chiffres n’engagent pas les descendants des (immigrés) turques dû à la loi sur les statistiques ethniques et raciales (5).

Selon le consulat de Turquie, il y 70 000 ressortissants turcs dans en région PACA couvert par le consulat (6).

 

Aujourd’hui Marseille est une terre d’accueil et de rencontre pour ces diasporas minoritaires, qui sont désormais rejointes par les turcs sunnites, également affectés par les oppressions politiques et sociales actuelles en Turquie. Ce n’est plus une immigration main-d’œuvre mais aussi une immigration politique, plus éduquée et qualifiée. Les jeunes immigrés mélangent avec les diasporas de la Turquie et la France grâce à des activités culturelles et des intérêts politiques autour d’une volonté mutuelle pour une société qui ne va pas répéter ses abus d’histoire.

Notes :
1. Pour des ressources plus détaillées sur la diaspora Arménien, consultez Ancrages:  Arméniens: mémoire du génocide et de l’exil
2. INSEE: Qui sont les descendants d’immigrés?
3. INSEE: Répartition des immigrés par groupe de pays de naissance: Données annuelles de 2006 à 2020
4. INSEE: Recensement de la population
5. Statistiques ethniques
6. Consulat de Turquie

Famille, Mariage, Transnationalisme

 

Les minorités, identité

  • Akgönül, Samim. Appartenances et altérités chez les originaires de Turquie en France : Le rôle de la religion. Hommes & migrations, dossier «Les Turcs en France : quels ancrages?», 2009
  • Bozarslan, Hamit. La question kurde. État et minorités au Moyen Orient », Presse de Sciences Po, Paris,1997
  • de Tapia Stéphane. L’émigration turque : circulation migratoire et diasporas. In: Espace géographique, tome 23, n°1, 1994. pp. 19-28. www.persee.fr/doc/spgeo_0046-2497_1994_num_23_1_3253
  • Manço, Altay. Processus identitaire et intégration. Approche psychosociale des jeunes issus de l’immigration, L’Harmattan, 2006
  • Massicard, Elise. L’alévisme, une identité collective à multiples sens, Études turques et Ottomanes, n°9, 2001
  • Sayad, Jordi & Temime, (1991) Migrance: histoire des migrations à Marseille : T.4 : le choc de la Décolonisation (1945-1990) (sur la diaspora arménienne)

 

Vie associative, organisation, economie

  • DE TAPIA, Stéphane de. Chapitre Premier. Diaspora ouvrière et Circulation migratoire In : Migrations et diasporas turques : Circulation migratoire et continuité territoriale (1957-2004) [en ligne]. İstanbul : Institut français d’études anatoliennes, 2005 (généré le 25 mai 2021). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/ifeagd/1401>. ISBN : 9782362450464. DOI : https://doi.org/10.4000/books.ifeagd.1401.
  • De Tapia, S. (2008), Système migratoire euroméditerranéen : effets des transferts financiers dans les pays d’origine », Éditions du Conseil de l’Europe, coll. Migration, Strasbourg.
  • De Tapia Stéphane, « Immigrations turques en Europe : typologies des espaces et des réseaux », in Paul Dumont, Jean-François Pérouse, Stéphane de Tapia et Samim Akgönul (sous la direction), Migrations et mobilités internationales. La plate-forme turque, Institut français d’études anatoliennes, Istanbul, 2002, pp. 30-77.
  • Firat Derya, “Population issue de l’immigration de Turquie en France”. Migrations Etudes, n°140, Novembre 2007. https://www.academia.edu/37746199/Population_issue_de_limmigration_de_Turquie_en_France
  • Kastoryano Riva. La présence turque en France. In: Hommes et Migrations, n°1172-1173, Janvier-février 1994. Minorités au Proche-Orient. pp. 71-78. www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1994_num_1172_1_2149

L’immigration féminine

  • AK, Feyza, “Les représentations de la femme chez les travailleurs turcs immigrés en France”, in : RIGONI, Isabelle (sous la direction de), Turquie : les mille visages. Politique, religion, femmes, immigration, Paris : Éd. Syllepse, 2000, pp. 147-163.
  • Bozarslan Hamit , « Femmes originaires de Turquie en France, où en est l’intégration ? », Cahiers d’études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien [En ligne], 21 | 1996, mis en ligne le 04 mai 2006, consulté le 28 juin 2021. URL : http://journals.openedition.org/cemoti/560 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cemoti.560
  • Hüküm Pinar. Les femmes, entre repli et aspiration à l’émancipation. In: Hommes et Migrations, n°1212, Mars-avril 1998. Immigrés de Turquie. pp. 62-69. DOI : https://doi.org/10.3406/homig.1998.3135 www.persee.fr/doc/homig_1142-852x_1998_num_1212_1_3135
  • Öcal Aslı, « Femmes turques réfugiées en France : construction de soi et ruptures [1] », Migrations Société, 2009/3-4 (N° 123-124), p. 305-319. DOI : 10.3917/migra.123.0305. URL : https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2009-3-page-305.htm
  • Petek-Şalom Gaye. Adolescentes et brus : nouveaux visages féminins turcs en France, conflits inter et intra-générationnels. In: CEMOTI, n°21, 1996. L’immigration turque au féminin. pp. 139-148. DOI : https://doi.org/10.3406/cemot.1996.1317 www.persee.fr/doc/cemot_0764-9878_1996_num_21_1_1317
  • Féminismes autour de la Méditerranée Nouvelles Questions Féministes 2008/3 (Vol. 27) pg. 168 Éditions Antipodes https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2008-3.htm

Émissions, documentaires, films, chansons

Histoire de Marseille: Épisode 4 : Quand Marseille regardait vers le Levant, La Fabrique de l’Histoire, France Culture

Chanson Judéo-espagnol sur le voyage d’Istanbul à Marseille: Yendo me para Marsilia