Toutes les deux semaines, la newsletter d’Ancrages dresse le portrait de l’un de ses adhérents. Merci à eux de soutenir et de faire vivre Ancrages au quotidien et d’avoir accepté de répondre à nos questions. Bonne lecture !
1. Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis sociologue. Après avoir travaillé une dizaine d’années comme chercheure sur les mobilités et migrations commerciales en Méditerranée, je me suis réorientée dans le domaine de la coopération internationale, principalement avec le Maghreb. En tant que chercheur, j’ai beaucoup travaillé avec Michel Peraldi sur Marseille et le développement des espaces marchands à l’initiative des populations migrantes et des descendant.e.s de migrants, tels que Belsunce, le Marché aux Puces, la Porte d’Aix ou Noailles. J’ai publié de nombreux articles sur le sujet et un ouvrage de photos en 2006 comme Marseille discount. De Marseille, j’ai navigué vers Istanbul, Alger, Naples pour suivre des femmes maghrébines qui pratiquaient ce que l’on appelle le commerce à la valise » ou « trabendo », qui est une forme courante de commerce informel en Méditerranée mais où les femmes sont invisibilisées*. Je suis ensuite partie travailler et vivre au Maroc et j’ai continué à m’intéresser à la place des femmes dans l’entrepreneuriat, leurs stratégies, leurs rôles, les processus d’autonomisation, les mutations de la société marocaine…
Je travaille actuellement comme consultante, spécialisée sur les thématiques Migrations & diasporas, et les questions de genre, en particulier sur les aspects économiques (mobilisation des diasporas pour le développement de leurs pays d’origine, promotion de l’entrepreneuriat, autonomisation des femmes,…). J’interviens généralement comme experte sur des projets mis en œuvre par des ONG ou des institutions locales. Dernièrement, j’ai également collaboré au volet iconographique de l’ouvrage de Dalila Ouanès, La Paternelle. Une cité de Marseille, qui est paru en 2020 aux éditions Gaussen.
Autres publications :
- 2014, co-direction avec N. Ribas Mateos, Mobilités au féminin. La place des femmes dans le nouvel état du monde aux éditions Karthala
- 2010, avec Camille Schmoll, « “Le bizness des femmes” : Nouvelles figures des mobilités maghrébines dans l’espace euro-méditerranéen », in Naqd (Alger), n° 28, pp. 111-138 (français) ; pp. 39-60 (arabe).
- 2009, « Femmes entrepreneurs, la variable inconnue », in Revue Economia (Maroc), pp. 106-113.
- 2009, « Les femmes algériennes dans la contrebande : une promotion sociale par la marge », in Les circulations transnationales. Lire les turbulences migratoires contemporaines, Faret L. et Cortes G. (dir.), Paris : Armand Colin (collection U), pp. 155-164.
- 2008, « Les énarques marocains : une élite trop discrète », in Revue Economia (Maroc), n° 3, pp. 102-104.
- 2007, « Trabendo au féminin : les femmes algériennes dans le commerce à la valise », in Voyages du développement. Émigration, commerce, exil, Bayard J.-F. et Adelkhah F. (dir.), Paris : Karthala, collection Recherches Internationales, pp. 219-267.
2. Quel est votre lien à l’objet d’Ancrages ?
Etant donné mes objets d’études et d’intervention, je suis bien évidemment sensible à toutes les thématiques qui touchent aux questions migratoires. En tant que sociologue, j’ai beaucoup lu la littérature sur l’histoire des migrations, parce qu’il est toujours primordial pour comprendre ce qui se déroule aujourd’hui de le contextualiser dans le temps long. Les migrations, et l’immigration en France, sont un phénomène dynamique, complexe sujet de beaucoup de fantasmes, d’approximations qui font le lit de manipulations politiques. Paradoxalement, parce que les champs de recherche sur les migrations sont très fouillés depuis près d’un demi-siècle par les historiens, les sociologues, les anthropologues, cette histoire reste méconnue du grand public, et même des décideurs. Méconnue et invisibilisée, marginalisée. Elle s’inscrit pourtant pleinement dans l’histoire de notre pays, elle est aussi l’histoire de notre pays, elle raconte beaucoup de choses sur les mutations économiques, la colonisation et la décolonisation, notre rapport au monde, à ce qui devrait être nos valeurs, la constitution de notre société et de ses composantes, les métamorphoses de nos villes. On pourrait écrire une histoire de France à travers les mouvements migratoires qui ont constitué notre pays. C’est pour cela que je trouve indispensable le travail mené par Ancrages, de collecter des archives, mettre en valeur et en lumière l’apport des migrations, de faire œuvre de pédagogie. Nous devons avoir un rapport décomplexé à notre histoire, et en particulier à l’immigration et à la colonisation, et ne pas laisser cette thématique aux seules manœuvres politiques.
3. Avez-vous une suggestion culturelle en lien avec les contenus et actions d’Ancrages à proposer ?
L’excellent livre de mon amie Camille Schmoll, géographe et maîtresse de conférences à l’université Paris 8, qui vient de paraître aux éditions La Découverte, Les Damnées de la mer. Femmes et frontières en Méditerranée. Elle revient au travers de 8 années d’enquête aux confins du sud de l’Europe sur ces femmes qui entreprennent la traversée du désert et de la Méditerranée et qui sont rescapées de ce périple périlleux. Elle nous parle de leur quotidien dans les camps de transit, leurs parcours, leurs profils, leurs stratégies et leurs espoirs.