Le Prépaou, quartier de mémoires

Un quartier d’habitat social au cœur du patrimoine istréen

Source: Google maps 2015

Le quartier du Prépaou, ville d’Istres Source: Google maps 2015


Entre étang, sites industriels et centre historique les istréens connaissent plusieurs lieux qui ont contribué à l’identité de la ville. Les appartenances nombreuses et l’attachement des istréens à leurs quartiers, nous invitent aujourd’hui à enrichir le récit de la ville et du San Ouest Provence des mémoires des habitants du Prépaou.

De son appellation provençale « Prepau » à aujourd’hui, que nous raconte l’histoire du quartier ?

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’étang de Berre constitue déjà un centre industriel actif (aérodrome de Marignane, raffineries de la Mède, port pétrolier de Lavera). Dans les années 1960, l’aménagement de la zone de Fos-sur-Mer est rendu nécessaire par l’extension de la zone industrielle et portuaire (ZIP). L’étang de Berre est ainsi un des poumons d’activités pour le syndicat d’agglomération nouvelle (SAN) Ouest-Provence, crée en 1984 et, plus largement, pour les Bouches du Rhône.

« Il faut réveiller les histoires qui dorment dans les rues et qui gisent quelques fois dans un simple nom » Michel de Certeau (1980) L’invention du quotidien, Tome 2 Habiter, Cuisiner (Paris : Gallimard)
Les sentiers du pourtour des eaux de l’étang de Berre et du port lient la gare de fret (actuellement Istres-Rassuen) au hameau de Rassuen duquel naît l’usine d’engrais. Du sel du territoire au sel des mémoires, Ancrages invite à décentrer le regard porté sur le patrimoine istréen. Sans délaisser le patrimoine naturel de la commune, nous proposons une relecture spatiale à partir du patrimoine industriel, des mémoires ouvrières et résidentielles ainsi que des expériences de vi(ll)e.

L'usine de Rassuen, image d'archives © delcampe.net

L’usine de Rassuen, image d’archives © delcampe.net

L'usine de Rassuen en 2015 © Ancrages

La friche de l’usine de Rassuen © Ancrages 2015

C’est dans les années 1970, au lendemain de celles de la Prédinat et de Rassuen, que sort de terre la zone d’aménagement concerté (ZAC) du Prépaou (1975). Elle témoigne de l’urbanisation de l’agglomération d’Istres sur son flan Sud. Sans rompre avec le tissu urbain, le Prépaou présente la particularité de constituer moins une « ville nouvelle » (loi Boscher 1970) qu’une nouvelle centralité urbaine istréenne. Des sentiers au quartier, la naissance du Prépaou, quartier d’habitat social, témoigne de l’attrait de la zone d’activités de l’étang de Berre. Le développement des activités industrialo-portuaires de l’usine d’engrais de Rassuen et de la base de Fos-sur-Mer participe d’un accroissement accéléré de la population. Entre 1946 et 1980, la population est quadruplée, le nombre d’emploi quintuplé. Au travers de son parc locatif de logements sociaux, le Prépaou répond au souci de loger les travailleurs, français mais également étrangers. Parmi ces derniers, on note une proportion importante de ménages d’origine algérienne. Le travail d’Ancrages, au travers le recueil de récits de vies et d’histoires d’espaces, doit permettre d’éclairer cette présence singulière. Le département des Bouche du Rhône connaît alors une transformation profonde de sa production industrielle et l’installation durable des travailleurs immigrés et leur familles. La formation du Prépaou est intimement liée à l’histoire de ces ouvriers algériens, marocains, tunisiens mais aussi espagnols, italiens et portugais. L’extension de l’air métropolitaine et la délocalisation industrielle en direction de Fos entraîne également des migrations régionales importantes, recomposant ainsi la population des villes de l’étang de Berre.

Archives départementales des Bouches du Rhône (cote 4 ETP 371)

Etude socio-démographique du quartier du Prépaou disponible aux archives départementales des Bouches du Rhône (cote 4 ETP 371)

La consultation des archives documente le territoire : elles nous informent que le plan d’aménagement du quartier du Prépaou est alors pensé comme une alternative aux « cités dortoirs », grands ensembles des années 1960, dont, déjà, les limites sont soulignées. Les décideurs publics de l’époque semblent avoir penser le Prépaou comme une « cité utopique » : au-delà du souci de loger les populations, la fonction sociale vient connecter les temps complémentaires du quotidien (travailler, se soigner, se divertir, apprendre, s’alimenter, se rencontrer) pour mieux rassembler les habitants. De ces espaces de partage, qu’incarne le Centre Éducatif et Culturel, naît une nouvelle centralité urbaine. Héritier de ce projet, le Centre Social des Quartiers Sud qui lui succède, est un acteur central de la vie socioculturelle du Prépaou, porteur de ses mémoires habitantes.

Le recueil des mémoires habitantes du quartier du Prépaou offre un nouvel éclairage du patrimoine de la ville d’Istres. De la vieille ville aux quartiers Sud, des pierres anciennes aux cités d’habitat social, redécouvrons, ensemble, l’identité istréenne.

Pour aller plus loin:  Dossier de ressources sur la ville d’Istres